Sentinelle

texte de Juliette Fontaine, 2009

Juliette Fontaine, 2009

A propos de la performance Sentinelle, série Conférences du dehors, 2008

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« Nous n’aimons guère considérer les animaux que nous avons transformés en esclaves comme nos égaux »
(Charles Darwin)

Notre relation à l’animal a changé profondément, et inéluctablement. Cette modification questionne notre rapport au monde, lui aussi modifié. Les traces de cette modification vont bien au-delà de la domestication de l’animal par l’homme et de toutes autres exploitations violentes du monde animal. Par ailleurs, poser la question de l’animal engage une pensée de ce que veut dire vivre, parler, mourir, être au monde, c’est un profond questionnement de ce que Derrida appelle successivement « être-dans-le-monde, être-au-monde, être-avec, être-après, être-suivi et être-suivant ». Penser la question de l’animal élargit la pensée que nous pouvons avoir du monde, et de notre rapport avec lui.

Le mot sentinelle a une étymologie latine éloquente, au-delà de son sens militaire. Le mot vient du verbe sentire qui signifie « percevoir par les sens ». Le titre convoque un des éléments importants du projet, la notion d’Umwelt, un environnement perceptif, ce monde vécu par l’animal étudié par Jacob Von Uexhüll, car dans l’immense diversité de la nature, chaque animal a son propre monde plus restreint. Ce monde est un monde de signaux, signaux que l’animal capte avec son système sensoriel particulier, signaux auxquels il réagit. De plus, le mot est au singulier alors que le film met en présence deux bêtes. Par là, il devient la qualification d’un symptôme ou d’un état : l’être-sentinelle. Il souligne un comportement stigmatisé par l’enfermement, la captivité d’un zoo, rendant à peu près identiques les deux animaux du couple, deux clones muselés, qui, pour cette fois-là, nous révèlent une première version, 1.0, de cette charge que l’on donne communément aux soldats, de faire le guet. Ce sens suggéré est bien sûr symbolique, une sorte d’allégorie d’un état de guerre possible, plus largement d’une menace, d’une situation périlleuse, inquiétante. De même, la formulation 1.0 met en évidence que le couple des deux carnivores constitue lui-même un dispositif qui produit une protection mais aussi une surveillance. Tout comme deux soldats en faction qui, pour reprendre l’étymologie militaire du terme sentinelle, protègent un territoire et peuvent être amener à le défendre par une stratégie offensive.

Le choix de l’animal est important : ce n’est pas un singe ou un primate, le symbole aurait été trop fort et aurait réduit le sens de la proposition. Mais la mangouste se dresse sur ses pattes, elle sait la station debout, elle est en devenir-bipède. Elle peut regarder plus loin, observer à l’horizon l’apparition inattendue d’un danger, ou celle de sa nourriture. Cette question du regard rehaussé, élargi, nous rappelle aussi le « partage du visible entre les créatures du monde » (Jean-Christophe Bailly) qui est un des points de départ de ce travail. Le monde est regardé par d’autres êtres que les hommes, qui ne sont qu’un fragment d’une vaste unicité du vivant.

Sentinelle est le plan fixe d’un couple de mangoustes mis en boucle cinq fois. Il s’agissait tout d’abord de filmer l’animal comme le définit Gilles Deleuze : « l’être aux aguets », l’être qui émet des signes et qui réagit à des signes. L’animal est sauvage mais, même si volontairement aucun indice d’enfermement n’est visible à l’image, il est dans un zoo. Les mangoustes réagissent donc à des signes sonores qui ne sont pas issus de leur environnement naturel : le grondement sourd et lointain du métro parisien, le murmure urbain, le gloussement étrange d’un autre animal du zoo, les ricanements stridents de corneilles qui se disputent le territoire d’un arbre à proximité, les piaillements beaucoup plus discrets de moineaux. L’animal nerveux à l’affût, intranquille, se dresse, regarde de tous côtés, s’assoie gardant relevée une de ses pattes avant frémissante. Elle semble vouloir fuir ou se protéger à tout moment d’un prédateur potentiel. Puis la deuxième mangouste entre dans l’image. Elle rejoint l’autre, tourne sur elle-même pour s’asseoir à son tour, touche de sa queue touffue la queue de l’autre bête, tourne sur elle-même une seconde fois en repoussant doucement son compagnon qui quitte l’image. Elle a pris la relève de la garde du territoire. Le territoire est un sol de pierres et de sable blanc, une métaphore visuelle de la neige en pleine nature. Cette part de désert a été circonscrit et imposé par l’homme, même si le mammifère semble dans son comportement manifester tout son être réactif, instinctif. Un seul signe pourtant de déviance : tourner sur soi-même avant de s’asseoir, tourner en rond comme le fauve dans sa cage, comme l’homme dit fou répétant un geste compulsif, ruminant inlassablement une ritournelle. Le plan mis en boucle cinq fois vient souligner ce trouble.

J’ai longuement observé le déplacement de ces deux viverridés dans leur territoire contraint pour choisir le cadre de l’image, lui conférant un sens précis : entrer et sortir d’une image comme d’un territoire. Au cours de mon observation, j’ai d’abord été stupéfaite par leur « chorégraphie » écrite, presque ritualisée comme on ritualise dans un espace dans lequel on n’est pas chez soi, pour inscrire ses repères, même si cette image reste anthropocentriste. Puis, à un moment, ce que je regardais m’a mise mal à l’aise. La répétition obsédante de cette « danse » élégante dans les mouvements et les déplacements m’a paru désolante. Elle m’évoque clairement aujourd’hui quelque chose de la survie, et de la survivance.

De la survivance d’un instinct malgré la perte du territoire natif, la délocalisation forcée. Si toutefois, ce comportement est peut-être le vestige d’un langage, ou d’un code gestuel entre les deux bêtes, que reste-t-il vraiment de l’instinct à un animal sauvage enfermé dans un zoo, dans un constant contact avec l’animal politique qu’est l’homme ? Et dans cette réclusion, lorsqu’il arrive que l’animal croise le regard de l’homme, comment perçoit-il ce dernier ? Comme un prédateur possible ? Un être étrange, imprévisible, déréglé ? Quel regard porte-t-il sur ce dernier ? Car je crois, comme l’écrit Jacques Derrida, que l’animal qui me regarde a un point de vue sur moi.

L’animal a été sur terre avant l’homme, il s’en souvient. Il me semble que l’on peut percevoir cet avant quand on rencontre le regard d’une bête, ce qui crée un trouble étrange, difficile à expliquer, comme si devant cette sorte mémoire archaïque, la bête nous « rappelait » que nous descendions d’elle, que ce qui nous différencie d’elle n’est qu’une question de degré. En filmant avec attention les deux mammifères, même s’il n’y a pas eu vraiment d’échange de regard, j’ai ressenti très fortement être en face de cet avant, de cette précession. C’est pour cette raison que j’ai filmé volontairement sans pied. De cette manière, mon corps qui portait la caméra était le prolongement de mon propre regard, avec les ondulations ténues des mouvements de ma respiration. Autrement dit, ce fut un face à face, paisiblement déroutant, augurant, naïvement peut-être, la possibilité d’une rencontre. Le cadre de l’image, qui est aussi un regard, a été pensé à l’amont, de manière à ce que lorsque l’une des deux mangoustes se dresse, elle apparaisse au milieu de l’image, et qu’elle sorte de l’image lors de la relève de l’autre sentinelle. Mais l’image a été recadrée par la suite pour le bouclage, pour que la « soudure » soit quasiment invisible, en d’autres termes, pour que la relève de la deuxième bête se fasse au même endroit que l’apparition de la première au début du rush. Cet aspect du travail est important. Si dès le départ, j’ai voulu ne pas montrer à l’image des signes de la captivité (barreaux, encadrement délimité de l’espace…), le bouclage recrée un enferment et une mise à distance. Ceci pour éviter tout d’abord l’empathie et sa contagion, pour objectiver ce qui se joue à l’image, mais aussi, en manipulant la répétitivité de l’animal, en l’instrumentalisant comme une machine, un mécanisme, la vidéo devient un dispositif de jeu de pouvoir, comme les autres dispositifs de Conférences du dehors. Le public qui regarde, espérant peut-être un croisement de regard avec les animaux, devient également l’humain qui a enfermé la bête.

L’homme a perdu une intimité avec le monde animal comme la perte d’une provenance, d’une souche. Malgré cette rupture, il demeure un côtoiement possible. Ce côtoiement est l’expérience d’un seuil, d’un lien ténu mais survivant. « L’intimité perdue est indiquée par un seuil où la perte s’inaugure ». Ce seuil est évoqué par la projection du film en boucle sur un mur de l’espace. C’est une fenêtre sur un dehors mais c’est aussi un espace autre, inaccessible, dans lequel on ne peut pas rentrer physiquement. Durant la projection, la comédienne se déplace dans la salle au milieu des spectateurs, comme cherchant son propre territoire ou un refuge dans cet intérieur qu’elle partage avec eux. Deux espaces se frôlent à distance. Car s’il y a encore côtoiement, il y a une fracture, une limite abyssale entre l’homme et l’animal. Cette frontière n’est pas une et indivisible, mais elle est multiforme. Elle ne peut être dessinée, tracée. Elle ne peut donc être objectivée. L’ignorance de la vidéo par la comédienne est une nouvelle fois importante car regarder les mangoustes projetées dans l’espace aurait annulé la complexité de la frontière entre les deux territoires.

Cette tension entre les deux espaces (la vidéo et la salle de représentation) met en évidence la survivance de ce côtoiement avec l’animal, voisinage complexe fait d’évitements, de dissimulation et de méfiance réciproques, et non plus de continuité homogène. Par ailleurs, s’il n’y a pas d’échange de regard entre l’animal filmé et la comédienne, c’est aussi pour une autre raison. Si comme l’écrivait Nietzsche, l’homme est un animal indéterminé, l’animal devient l’Autre absolu, allogène, inconsolé d’un monde sauvage perdu et autrefois partagé paisiblement avec l’homme. Lorsque Derrida parle du regard de l’animal sur l’être humain, il écrit que son point de vue sur l’homme est celui de l’Autre absolu. Cet Autre absolu est peut-être une rencontre impossible, même s’il éveille justement le désir d’aller à sa rencontre – le désir n’est-il pas en soi ce qui tend vers tout autre chose, vers l’absolument autre, nous mettant en rapport avec l’invisible, c’est à dire avec ce dont on n’a pas idée ?

La posture choisie selon laquelle la comédienne ne tourne jamais son regard vers les animaux filmés, ignorant totalement la projection durant ses déplacements, soulève cette question de l’altérité. Elle se déplace parmi les autres, pose sa tête sur l’épaule d’autrui, s’appuie sur celle ou celui qui lui est étranger. De plus, l’autre est celui avec lequel on partage, on agence un territoire, dans lequel on dessine des limites. Les déplacements dans le public de la comédienne sont ambivalents, car si elle recherche un refuge dans l’espace, elle le contrôle aussi, tout comme elle choisit de s’allonger près d’une personne en imposant la proximité de sa présence, de son corps. On retrouve cette ambiguïté dans la projection du film Sentinelle 1.0, car l’ignorance des regards est réciproque, les animaux ne regardent pas la caméra, et par extension ne regardent ni la comédienne manifestant son indifférence à leur égard, ni le public qui les regarde. Ce dehors qu’ils surveillent, qu’ils traquent est une partie du zoo, mais c’est aussi l’espace de la représentation.

Parce qu’il tend à disparaître de la surface de la terre, « par rapport à cette direction qui semble inéluctable, tout animal est un commencement, un enclenchement, un point d’animation et d’intensité, une résistance ». Autour de la question centrale de l’accès, le projet de Conférences du dehors parle également de résistance. Celle autant d’un positionnement politique (Ministère de l’intérieur de David Beytelmann, A domicile de Thierry Fournier), que celle purement physique d’une performance dans laquelle le corps éprouve ses limites, se met en risque. L’espace de la représentation, un espace physique, devient un espace politique, ce dans quoi la question du pouvoir autoritaire se pose et se joue.

Notre monde est un enchevêtrement à la fois de plus en plus complexe et de plus en plus cloisonné, compartimenté ; comme l’évoque David Beytelmann dans ses entretiens, il faut pouvoir rentrer dans un des tiroirs fabriqués par la société capitaliste. Dans cet entrelacement, de plus en plus d’hommes luttent pour survivre et deviennent invisibles. Il y a cette nudité cruelle dans La Bonne Distance de Noëlle Renaude, jusqu’à l’abandon des forces (Frost de Thierry Fournier et Jean-François Robardet) où l’homme se suicide en se rendant à la puissance de la nature. Dans cette continuité, Sentinelle 1.0 réintroduit l’animal dans tous ces mondes humains, résistant et luttant lui aussi contre sa propre disparition.

Frost

performance, Thierry Fournier et Jean-François Robardet, 2008

Performance, 2008
Thierry Fournier (dispositif interactif et protocole de performance) / Jean-François Robardet (sculpture et texte). Cycle de performances Conférences du dehors.

Frost consiste à parcourir une sculpture composée d’un ensemble de blocs de polystyrène avec un micro, face à un amplificateur en limite permanente de larsen. Traité par un programme qui en amplifie les détails, le son est joué par le geste du performer qui le module et en excite les résonances en parcourant la sculpture. Les son que provoque le performer deviennent la métaphore sonore d’un paysage polaire et d’une architecture. Le geste résulte à la fois du jeu et de la résistance indispensable aux menaces sonores du dispositif, comme une survie en milieu hostile.

La performance est née d’une légende urbaine transmise par Pauline Cunier-Jardin à Jean-François Robardet, relatant que de jeunes chômeurs finlandais choisissaient d’aller garder les rennes dans la toundra pour trouver du travail. Certains, ne résistant pas à la solitude, se suicidaient en partant marcher la nuit, nu dans la neige.

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Ready mix

performance, Thierry Fournier et Esther Salmona, 2008

Performance, 2008
Esther Salmona et Thierry Fournier – Série de performances Conférences du dehors. Avec Emmanuelle Lafon

L’interprète joint par téléphone Esther Salmona, artiste et auteur. Celle-ci suit un protocole qui consiste à ne rien modifier de son emploi du temps habituel, et à répondre quelle que soit son activité. Peu de paroles sont échangées : Esther Salmona communique en continu les sensations et perceptions immédiates de la situation dans laquelle elle se trouve. Sa voix est retransmise sur un haut-parleur. L’actrice construit sa propre intervention en écho avec ce dialogue : déplacements, interpellations, mises en relation entre l’espace de jeu et l’espace de son interlocutrice.

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Captation du 26 octobre 2008

Oui?
(oui Esther t’es ou?) oui je suis à Marseille à Grand Littoral
est-ce que tu sais
(où ça?) ce que c’est que
(oui) Grand Littoral Grand Littoral c’est un des plus grands centres commerciaux d’Europe ça veut dire que là je suis sur le parking de grand littoral et ça veut dire que devant moi derrière moi sur les côtés partout il y a des piliers j’ai une forêt de piliers tout autour de moi des piliers qui sont bleus d’un côté et orange de l’autre (mais c’est dans la ville?)
là je suis en fait
(c’est en plein centre ville?) à l’é…à l’extérieur de la ville là je suis en fait
il y a un no man’s land tout autour pour y arriver et là je suis dans un parking immense
(tu es venue en voiture?)
et en bas en bas d’un pilier il y a euh des hauts-parleurs
(en bas d’un pilier il y a des hauts-parleurs? tu es là?) (tu m’entends?)
(allo?)
il y a une espèce de musique sucrée orientale en fait et et tout à l’heure c’était euh c’était du flamenco en fait il pleut et il faut super froid eueueuh voilà y a un étage au dessus il y a deux étages de parking
et il y a la pluie qui tombe sur des plantes euh des des plantes tropicales qui sont complètement trempées et je vois les les rafales de de vent là c’est assez c’est assez violent il fait super froid il y a des il n’y a plus beaucoup de voitures en fait là eueueueueh à peu près moins de la moitié du parking tout le monde s’en va et les magasins sont en train de fermer
y’a des néons blancs des néons qui clignotent en fait il y a des voitures, il y a des types qui quand ils… quand ils partent du parking on voit des des qui clignotent des voitures qui clignotent toutes seules en fait parce que les types ils sont à trente quarante mètres et ils appuient sur le bouton et ça fait ça fait ça ouvre la voiture en fait ouh, il y a des flaques d’eau il y a une voiture qui arrive
alors là j’arrive euh près du bâtiment c’est marqué C et A
assez grand et assez haut euheuh il y a des marques des des logos de marques en fait des des espèces de de petits euh de petites passerelles qui passent de la de la surface supérieure du parking aux aux entrées du centre commercial là j’arrive il y a des enfants qui sortent jeuheuheuh
alors il y a une porte il y a une double porte en fait c’est des portes qui s’ouvrent toutes seules là celle qui est devant moi il y a des gardiens trois gardiens sur le côté j’ai super chaud il y a un vent chaud je je rentre dans le dans le centre commercial il y a trois trois gardiens là qui discutent les magasins sont à peu près fermés oh là là là alors là je rentre je vois les deux étages en fait et il y a un plafond rose rose saumon euh et
(tu es au rez-de-chaussée?)
voilà je suis je suis au rez-de-chaussée ouais ouais il n’y a rien en dessous en fait ça donne sur la colline c’est assez large c’est une grand euh une grande rue et donc le plafond est blanc et rose saumon et il est percé en fait au premier étage et il y a des palmiers et des euh, c’est des fleurs en plastique ça ? euh ah non c’est des ficus et des palmiers vraiment la végétation tropicale là un super haut palmier qui va jusqu’ alors là au dessus ça se reflète en fait il y a des il y a des vé des vérandas voilà mais il fait complètement nuit donc du coup je vois mon reflet là euh au plafond et euh donc il y a un quick là un quick qui est encore ouvert il y a des gens qui attendent il n’y a presque plus personne en fait euh ça c’est un magasin de chaussures a une nana qui passe qui passe l’aspirateur ah elle le range c’est c’est terminé alors il y a des grands euh alors là c’est énorme mais je suis vraiment toute seule en fait dans cette ah si y’a un type qui arrive tout au loin là il y a des escalators qui marchent il y a les magasins avec pas mal de fringues euh euh grises avec des des bijoux ça brille dans dans tout les sens et c’est des trucs pour nanas avec des petits cœurs partout alors là c’est fermé mais la musique en fait que t’as entendu à l’extérieur elle continue à l’intérieur c’est les les le même euh
(ah oui à l’extérieur c’est pour ça ?)
le même morceau
(est-ce que tu peux nous la faire écouter un peu plus?)
ah oui oui oui alors je suis dessous un
un haut-parleur en même temps ils sont super haut parce que pareil hein on est à la même hauteur que euh que le que le parking
j’essaye de t’en trouver un là je vois aussi mon reflet au au plafond là il y a deux types que j’ai croisé tout à l’heure il y a un point info
alors « Petits Petons » c’est encore ouvert c’est des chaussures pour enfants
là il n’y a plus de musique du tout en fait il n’y a plus de haut-parleurs ah j’arrive alors là j’ai fait un petit euh un petit détour c’est c’est bizarre on se perd beaucoup en fait on perd la notion de de l’espace il y a encore des ouvertures dans le premier étage avec des palmiers super hauts il y a très peu si il y a du monde là j’arrive oh là là alors ça c’est Carrefour c’est énorme quoi alors c’est plus sous le même éclairage c’est que des néons c’est énorme
(tu peux rentrer ou c’est fermé?)
il y a un gardien qui arrive ouais je pense non il y a encore du monde il n’y a pas beaucoup de monde aux caisses mais euh mais je vais rentrer je vais passer par le je sais pas si je vais me faire choper par le par le gardien je vais passer par dessus la le la rambarde ah non je vais passer par là
bonsoir (bonsoir)
(t’es passé par où?)
alors là j’arrive dans les fromages rapés et là je suis passée en fait dans une caisse euh mais dans le sens inverse
il y a un petit garçon qui attend euh sur le il y a du vico des patates il y a pas mal de trucs en plastique dans dans son dans le caddie il y a sa maman qui s’est acheté des soutiens-gorges ah j’arrive là j’arrive dans le rayon fromage et il faut super froid il y a des gens qui qui se tâtent là ils hésitent entre le entre le le président ou le le rustique j’arrive il y a encore du monde en fait à la à la coupe alors ça fait c’est aussi grand que le parking en fait
(ouais
il faut que tu maintiennes bien le micro devant……..toi)
ah pardon pardon il y a plein de fromages rapé en promotion et il y a des des tonnes des tonnes de de bière là euh ah ça monte aussi au au premier étage ah j’arrive au champagne je je ressors du des cubis des cubis énormes ça n’arrête pas
(et comment tu montes avec euh un escalator?)
oh c’est c’est trop loin en fait l’escalator il est en pente ouais il monte au premier étage en fait tu sais le carrefour il est sur deux étages je ressors là devant le gardien ça va il me voit pas il n’y a plus de musique du tout même dans carrefour le sol c’est une imitation de de faux marbre avec une reprise des des motifs où il y a les plantes en fait en noir une espèce d’amande comme ça au sol ah il y a un une nana qui est en train de manger quelque chose il y a Paul elle travaille chez Paul là un morceau de tout est rangé les tables sont sur les les chaises sont sur les tables
ah il y a il y a il y ah il y a quelqu’un qui fait dérouler quelque chose là il y a trois flics qui passent police
ils sont en train de vérifier là il y a une femme des hommes il y a un gars qui lui dit quelque chose il fait des gestes avec les doigts il désigne par là où je suis
l’autre il ouais il part vers là où je suis non il fait la bise à la nana en fait
enfin j’arrive devant euh Mac Donald là c’est encore ouvert par contre il y a vache de monde
il y a il y a un caddie mais plein devant là complètement plein c’est que des sacs des sacs partout il y a des gardiens encore à la sortie là
(Esther)
il y a une dame qui fait la mendicité et toi Emmanuelle tu es où?
(moi je suis là) ok je coupe.

Photographies par Frédéric Nauczyciel et Alexandre Nollet.

Ministère de l’extérieur

performance à partir d’une interview de David Beytelmann, 2008

Vidéo et performance, 2008
À partir d’une interview de David Beytelmann – Série de performances Conférences du dehors

David Beytelmann est historien et philosophe, né en 1973 en Argentine, il vit et travaille à Paris. Une série d’interviews vidéo a été menée avec lui par Thierry Fournier en 2006, pendant quatre heures. Deux extraits en sont montrés dans le cadre de la série de performance Conférences du dehors. Son intervention convoque les aventures ubuesques de son immigration (carte de séjour, délires administratifs, nationalité française…), en même temps que les diasporas successives de sa famille. Dans son discours s’associent en permanence la narration de sa propre histoire, et un regard sur les questions humaines et politiques liées à l’immigration. Médiatrice de cette intervention filmée, l’interprète partage une situation d’écoute avec les spectateurs. Lire également le texte de David Beytelmann, A propos de Ministère de l’extérieur.

Extraits de l’interview de David Beytelmann (2007) présentées dans Conférences du dehors :

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Photographies par Frédéric Nauczyciel.

Sentinelle

performance, Juliette Fontaine et Thierry Fournier, 2008

Performance, 2008
Juliette Fontaine (vidéo) et Thierry Fournier (performance et mise en jeu)
Série de performances Conférences du dehors

Projetées en vidéo, deux mangoustes filmées en extérieur font le guet, dans une succession de mouvements rapides : veille, rotations, station debout, exploration de l’horizon. Elles veillent. En regard de cette image, l’interprète se déplace dans la salle et auprès des spectateurs, investissant des niches et refuges possibles.

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Photographies par Frédéric Nauczyciel et Alexandre Nollet.

La Bonne Distance

performance, texte de Noëlle Renaude, 2008

Performance, 2008
Texte Noëlle Renaude / performance Thierry Fournier
Série de performances Conférences du dehors. Avec Emmanuelle Lafon.

La Bonne Distance est une conférence proliférante sur une personne croisée dans le métro dont des ficelles tiennent ses chaussures et qui répète sans cesse la phrase « je n’ai rien à bouffer ». Entre cours de marketing à l’attention des SDF et thèse de sémiologie, l’ensemble questionne la violence des injonctions sociales. Voir également le texte de Noëlle Renaude Dedans dehors relatant le processus d’écriture et de création de la performance.

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Extrait du texte

Cet homme est très pauvre, « je n’ai rien à bouffer », il n’a pas honte d’être pauvre, ni qu’on ne voie tout de suite de lui que ça, qu’il est très pauvre, cet homme, il n’a pas honte de dire « je n’ai rien à bouffer » car sa pauvreté est si grande qu’il est incapable d’imaginer qu’il pourrait faire autre chose que de montrer ce qu’il est, un homme très pauvre plus pauvre que tous les pauvres, et de détacher de lui d’une manière naturelle ce type de phrase « je n’ai rien à bouffer », de dire « je n’ai rien à bouffer » au milieu de ces gens qui en voient tant d’autres, mal arrangés comme lui, fagotés de loques que seuls les très pauvres sont capables de porter sans en rire, de confier de ce ton détaché si particulier à ceux qui sont sûrs que ce qu’ils disent ne sera pas entendu, qu’ils soient trop en avance sur leur temps, qu’ils parlent une langue maudite ou qu’ils n’aient aucune conviction personnelle, personne ne les entend, « je n’ai rien à bouffer », il sait, cet homme très pauvre que dire « je n’ai rien à bouffer » ne changera pas sa route, ne lui donnera pas ce qui lui manque, mais c’est symbolique et salvateur de pouvoir dire tout haut avec un si grand calme « je n’ai rien à bouffer » à personne en particulier, d’avoir encore le droit d’être là au milieu de ceux qui ont le droit eux aussi de ne pas entendre, et de prononcer « je n’ai rien à bouffer », sans la peur qu’un tel énoncé le couvre de ridicule ou déclenche l’hystérie, s’il est là cet homme-là à avouer sans impudeur excessive son extrême pauvreté qui lui fait déclarer au milieu de ceux qui ne l’écoutent même plus « je n’ai rien à bouffer », c’est que des mots au moins il en a encore pour un petit temps, si la bouffe ne se partage pas les mots eux se partagent encore (…)

Photographies Frédéric Nauczyciel et Alexandre Nollet.

A domicile

performance, 2008

performance, 2008
Série de performances Conférences du dehors, avec Emmanuelle Lafon.

La circulaire du 21 février 2006, éditée par le Ministère de l’intérieur, fixe les conditions d’arrestation légale des étrangers en situation irrégulière. Ces arrestations devant se dérouler à l’extérieur, elle légifère sur ce qui peut être considéré comme un domicile ou non : cour d’immeuble, yacht de plaisance, bloc opératoire… Une vidéoprojection fait dérouler le texte de la circulaire comme le générique d’un blockbuster, accompagné d’une musique caractéristique du genre. L’interprète se place face à la projection et en répète le texte. Son visage apparaît en surimpression, pixellisé comme pour un témoignage anonyme qui dégénère dans une confrontation avec le dispositif. L’ensemble met à jour la fiction guerrière qui nourrit la pensée des auteurs du texte : violence qui contamine progressivement celle de l’interprète, jusqu’à l’explosion.

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Pour consulter le PDF intégral de la circulaire (950 Ko) : Circulaire du 21-02-2006. La particularité de ce texte est que, ces arrestations devant se dérouler à l’extérieur, elle légifère donc sur tout ce qui peut être considéré comme un domicile ou non : appartement, cour d’immeuble, yacht de plaisance, logement détruit par un incendie, bloc opératoire, etc. C’est dans cette perspective qu’ont été sélectionnés ses extraits qui mettent en évidence cette distinction.

L’interprète déroule ainsi la lecture du texte, dans une disposition de « circuit fermé » au sens littéral du terme, comme si l’ensemble constitué par l’ordinateur, le micro, l’ampli et la projection générait l’ensemble du contenu, sa transformation et sa propre fiction. Le texte est traité comme le générique d’un blockbuster qui aurait nourri la pensée de son auteur, et contamine progressivement l’interprète jusqu’à l’extrême violence. La voix de l’actrice se transpose lentement dans les graves au fur et à mesure que le texte énumère les lieux possibles d’arrestation, et l’équilibre se rompt à l’instant où, dotée d’une voix de monstre ou de Dark Vador, attaque littéralement l’ampli à coup de micro, la transposition du larsen produisant des sons extrêmement violents d’explosions et de grenades. Après une attaque brève et intense, la musique quitte le domaine du champ de bataille pour aborder le registre de la rédemption caractéristiques des finales de films de guerre, et la lecture de la circulaire s’achève avec ses deux dernières parties : l’énonciation qu’un bloc opératoire est éligible comme lieu d’arrestation, et la liste des destinataires administratifs de la circulaire.

Photographies par Frédéric Nauczyciel et Alexandre Nollet.

Conférences du dehors

série de performances et commissariat, 2008

Série de 7 performances, 2008, avec Emmanuelle Lafon
Création en résidence et produit par La Chartreuse, Centre National des Ecritures du spectacle.

Conférences du dehors comprend les performances : Circuit fermé, Ministère de l’extérieur (auteur invité David Beytelmann), La Bonne Distance (auteure invitée Noëlle Renaude), Ready mix (artiste invitée Esther Salmona), A Domicile, Frost (artiste invité Jean-François Robardet), Sentinelle 1.0 (artiste invitée Juliette Fontaine).

La notion d’accès (aux richesses, aux frontières, au travail, à l´éducation, à l’image…) traverse toutes les situations contemporaines, intimes et collectives. Le libéralisme généralisé ne permet plus de se tenir hors de son champ, et l’une des conséquences paradoxales de ce « monde sans dehors » est que la notion même de dehors est devenue omniprésente. Réunissant plusieurs artistes et auteurs invités pour une seule interprète aux statuts multiples, la série de performances Conférences du dehors explore cette notion en modèle réduit, dans une proposition à la fois noire, électrique et burlesque. Ce « théâtre d’opérations » s’inscrit dans une démarche générale d’interrogation sur les rapports entre écriture, arts plastiques et formes performatives : notion de dispositif, mise en jeu du spectateur, choix critique des espaces de représentation.

Circuit fermé, performance, avec Emmanuelle Lafon, Lelabo, Paris, 2007

Thierry Fournier | Circuit Fermé 2

Thierry Fournier | Circuit Fermé 1

Thierry Fournier | Conférences du dehors 4

Thierry Fournier | A domicile 3

Thierry Fournier | A domicile 2

Thierry Fournier | A domicile 1

Thierry Fournier | La Bonne Distance 2

Thierry Fournier | Sentinelle 4

Thierry Fournier | Ministère de l'extérieur 2

Thierry Fournier | Sentinelle 1

Thierry Fournier | Ready mix 1

Thierry Fournier | Ready mix 2

Photographies par Frédéric Nauczyciel et Alexandre Nollet.

Circuit Fermé

performance, 2007-2015

Performance, 2007, avec Emmanuelle Lafon
Série de performances Conférences du dehors

Placée avec un casque devant une télévision à l’heure des publicités et du journal, la performeuse respecte un protocole consistant à répéter exhaustivement tout ce qu’elle entend et décrire tout ce qu’elle voit, ce qui est physiquement impossible. Le flux de parole et les bégaiements qui en résultent expriment directement la tension entre la masse d’informations délivrées et un « cerveau disponible » en saturation permanente.

Enregistrement et retranscription du 25 octobre 2008 – TF1 en direct de 19h50 à 20h03

[on] LES HÉRITIERS DE LA COURONNE DE FRANCE METTENT AUX ENCHÈRES LEUR HÉRITAGE UNE AUBAINE POUR LES COLLECTIONNEURS UN DRAME ils sont à Christie’s il y a un qui tient un truc C’EST DANS LA TAïGA RUSSE L’AVENTURE D’UNE JEUNE FRANCAISE PARTIE POUR SAUVER LES LOUPS elle sourit elle a un RECEVAIT HARRY ROSELMACK DANS 7 À 8 DEMAIN il pose avec moi il a un grand costume noir LES OREILLES ÇA ARRIIIIVE !!! JE VOUS… AURAI PRÉVENU !!! Il se retourne il la regarde elle se c’est dans un écran ON VA LA RETROUVER ils sont devant ils se il elle brille au soleil AH LA PAUVRE ÉVELYNE, ELLE A DU ÊTRE AVEUGLÉE PAR UN REFLET SUR SON COSTUME, LES GARS !! IL Y A QUAND MÊME UNE SUBSTANCE LIQUIDE VERTE QUI COULE DE LA BLESSURE… Il y a le vert sur elle ON DIRAIT DU SANG elle le regarde c’est une piqûre avec du RGARDE DE LA MÊME COULEUR ON EN VOIT DES VERTES ET DES PAS MÛRES demain 20h50 moins dix les Experts N’ALLEZ PAS EN CROIRE VOS YEUX ENCORE UN CADAVRE AVEC DU SANG VERT euh artichaud DEMAIN LES EXPERTS DEMAIN À 20h50 ils sont quatre ils bougent pas ils font la m pause et derrière il y a un grand tube Police Line do not cross 118 712 en orange RETROUVEZ LES EXPERTS AVEC WWW.118712.COM A OUUUUU TF1 avec les spots lumineux POUR PRÉSERVER elle chasse les papillons c’est un film d’animation elle est verte elle avance vers la AVEC GTS SUEZ ACTEURS ENGAGÉS POUR L’ENVIRO c’est une tache bleue c’est heu c’est le globe à l’intérieur de la tache bleue avec de la mé OÙ JE T’EMMÈNERAI avec des oiseaux blancs qui traversent le le L’ENDROIT QUE J’VOUDRAIS PRÉSERVER Natasha Saint-Pierre l’île de ma bulle Malaisie C’EST L’ÎLE EN MALAISIE C’EST DANS LA MER DES SÉLÈNES c’est sur pilotis on est dans les pilotis avec des sur la mer des y a y a des montagnes HABITÉES SUR L’ÎLE AVEC TOUT LE RÉCIF y a son image et deeeux hélicoptères les dents troubles lees heu neuu LA FAUNE ET LA FLORE on est dans l’eau SE RECONSTRUIRE AUTOUR DE L’ÎLE ET PUIS IL Y A DES TORTUES GÉN c’est la tortue génie qui ralentit et puis il y a des requins il y a des requins marteaux il y a un requin marteau là avec des poissons qui passent en-dessous de lui on est sous le requin marteau OÙ JE T’EMMÈÈÈNEEERAI les coraux l’île on arrive vers l’île au ralenti c’est comme si l’eau allait très vite et UN ADJECTIF c’est une raie C’EST EUH MAGIQUE PARCE QUE C’EST DES CHOSES QU’ON… AURAIT… C’est un petit peu flou on est dans l’eau les poissons sont bleus il a y des des des des des des des des des DES ESPÈCES D’ANIMAUX QU’ON RETROUVE QUE LÀ ET ENTRE AUTRES c’est son visage en flou et dans la jungle de la mer on est das les fougères et y a un ptit singe qu’est sur une branche il a pas de poils il y en a unnn qui ouvre la bouche il a un gros nez comme ça qui part ET NOS YEUX D’ENFANT et puis il saute du tronc ON EST ÉMERVEILLÉS COMME SI ON REDÉCOUVRAIT POUR LA PREMIÈRE FOIS les oiseaux blancs passent devant LÀ OÙ JE T’EMMÈNERAI avec la natation dorée réalisation musique générique là où je C’ÉTAIT LÀ OÙ JE T’EMMÈNERAI AVEC GDF-SUEZ un ptit peu vert en dessous CE SOIR dans les spots 20H50 un portail ON ARRIVE DANS LE heu PARANORMAL avec Christophe Dechavanne qui se met des oreillettes avec F de 1 heu NEW YORK UNITÉ SPÉCIALE UN CORPS D’ÉLITE ils ont des flingues ils arrivent 20H50 LA SOIRÉE DE L’ÉTRANGE 23H10 NEW YORK UNITÉ SPÉCIALE CE SOIR SUR TF1 un cadre TF1 dans lllles spots quiii va euh un logo à l’intérieur c’est un géant qui lance son boulet il y a un petit garçon qui s’en va hop il lui relance il arrive à tirer un trait il y a l’aspirateur qui lui passe sous ses pieds il a des baskets blanches il soulève le c’est les chaînes il arrive à tout tirer il fait sa musculation il il ouvre des grands yeux dans le steak LE PLUS DUR POUR UN SUPER-HÉROS LES ENFANTS ne CESSEZ D’ÊTRE SUPER NORMAL les indestructibles ils ont tous habillés avec une grosse main comme ça c’est celle qui tient un bébé là ils sont tous masqués un couple dans le info rose AVEC SWISS LIFE RÉFÉRENCE et… dans le même rose en fait c’est plus rouge SWISS LIFE et… ET PATRIMOINE toutoutoutou hé Mééétéééooo ça arrive en entier TF1 bleu blanc heu BONSOIR C’ÉTAIT UN BEAU SAMEDI. AVEC BEAUCOUP DE SOLEIL Catherine Laborde PRESQUE PARTOUT le globe tourne derrière elle on voir l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord ON VOUS PARLE SOUVENT DE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE la mété IL FAIT SE FÉLICITER elle croise les mains LA QUASI UNANIMITÉ DES DÉPUTÉS QUI ONT VOTÉ POUR LE GRENELLE elle ponctue tout ça avec ses genoux UN AVENIR À LA PLANÈTE IL Y AVAIT AUSSI CETTE BELLE PERTURBATION en haut c’était devant CE N’ÉTAIT PAS ENCORE LE CAS AUJOURD’HUI C’ÉTAIT LE VA la carte de la France qui est plutôt ocre avec des NE FONDUE COMME NEIGE EUH AU SOLEIL ET DONC LA PLUPART DES RÉGIONS ÉTAIENT SUR LE SOLEIL MAIS VOICI elle a une robe noire avec deeeeees des petits trucs des ptits des 988 1030 elle est P’TIT À TIRE VERS L’EST et les flèches jaunes et les flèches rouges et puis des petits… Demi-cercles rouges TOUS EN PETIT À PETIT ! C’est l’Europe et maintenant c’est la France elle se met à gauche APRÈS, CE SERA FINI DONC DEMAIN MATIN BEAUCOUP DE NUAGES BAS elle SAUF PEUT-ÊTRE DANS L’EXTRÊME SUD elle est sur l’Espagne JUSQU’À L’ITALIE 50 70 60 50 CELA POUR LA la PERTURBATION elle lit en fait sur la droite elle pousse un petit peu vers la LA PERTURBATION TOUJOURS ACCOMPAGNÉE PEUT tê tê tê elle plonge un petit peu… S’orienter À L’OUEST DES PLUIES RÉGULIÈRES ET PUIS il y a des petits carrés noirs et puis deux grandes… Lignes… Rouges qui… Différencient les couleurs VAL DE SAÔNE ET POUR UNE JOLIE MOITIÉ SUD BEAUCOUP DE SOLEIL des flèches rouges sous sa LES TEMPÉRATURES PRÉVUES PAR MÉT 4 4 4 6 10 7 4 DOL PAS SI MAL POUR NICE 15 13 12 22 MAIS DANS L’APRÈS-MIDI ENCORE EN c’est rouge 22 22 22 21 19 18 18 15 15 14 17 17 16 16 16 16 15 16… 16… C’est la Bretagne elle se remet devant… Euh… 16 PRÈS DE LA MÉDITERRANÉE EEEHH OUIII CA VA CHANGER VOUS AVEZ VU CETTE PERTURBATION elle se met au centre et il y a c’est la carte de lundi qui vient… De de DE GOLFE DE GASCOGNE JUSQU’À L’ALSACE À L’AVANT LE CIEL VA SE À L’ARRIÈRE QUELQUES ÉCLAIRCIES DU VENT DU NORD ET SURTOUT SURTOUT DES TEMPÉRATURES elle pointe le exéc LE MARDI ARRIVE LE MATIN 800 mètres 900 mètres 900 mètres 70 70 avec des flocons de neige OUI OUI SEULEMENT 3 DEGRÉS REGARDEZ LA LIMITE PLUIE – NEIGE PARFOIS EUH 800 MÈTRES JUSQU’À 1200 MÈTRES POUR LE SUD DES ALPES… ALORS MÊME S’IL Y A DES ÉCLAIRCIES ON VA VRAIMENT AVOIR L’IMPRESSION DE PLONGER elle a les cheveux courts elle me regarde EH BEN NON CE SERA SIMPLEMENT elle SUI SE RAPPROCHE DE LA TOUSSAINT ! VOILA N’OUBLIEZ PAS le globe va un petit peu derrière elle VOS DANS PASSAGE À L’HEURE D’HIVER ennn… orange et rouge et MOINS TROIS MINUTES ET… LE CLAIRE CHAZAL ET BON APPÉTIT À TOUT A L’HEURE dimanche 26 octobre vingt et uoooo dans des paravents transparents c’est bleu ciel le logo TF1 bleu blanc euh Swiss Référence Retraite c’était dans la croix blanche qui vient dans le ptit logo CERTAINS ENFANTS SONT SÉPARÉS DE LEURS PARENTS c’est sur un SOS maintenant c’est jaune SOS village DE GRANDIR ENSEMBLE un petit ballon POUR QUE FRÈRES ET SŒURS PARTAGENT LA MÊME ENFANCE ils se lancent c’est un petit dessin SOS en rose V E gr vert de de sept main c’est un petit garçon qui a peuuuuuuu puuuuub qui s’éclate dans de PLAN IS GO COME ON BABY les le multimédia embarqué c’est un drôle de personnage qui appuie sur DVD AAAAHH c’est un film d’horreur écran tactile bluetooth lecteur DVD dixi BÉNÉFICIEZ DÈS MAINTENANT DE 2680 EUROS DE REMISE C’EST de ce DÉCOUVREZ OPEL en rond avec un ptit c’est un policier il y a quatre personnes qui arrivent on est dans un aéroport Maxwelle House il est en train de prendre une cuillèrée il prend son café… Il envoie son… Y a speu descratch leee papier est arrivé sur les chaussures du policier il boit son café il le regarde il est noir il sourit ! Euh eet il est en train de parler il fait du hip-hop maintenant ils font du breakdance en fait il s’envoie la petite euh elle est ils appuient sur son tout le monde danse daans l’aéroport hemm un pas pas c’est un petit peu de la soul il envoie ça avec son chapeau ça arrive dans la MAXWELL CE N’EST PAS LA PEINE D’EN RAJOUTER avec le p’tit piano qu’on connaît tout le monde rigole et tout le monde a une tonne AAAH AH AH HUIT ONT EU elle arrive avec son caddie elle téléphone ah non c’est pas un téléphone c’est une bouteille d’eau J’TE RAPPELLE PLUS TARD ET OUI ! DÉSORMAIS AVEC LA CARTE U MOBILE 5 euros 10 euros 15 euros 25 euros 35 euros plus 10 euros avec Orange dans un carré elle s’en va avec son caddie c’est le U mobile en gros eeet avec c’est blanc derrière hyper U super U POURQUOI LES PRINCIPES DE… RECOMMANDENT-ILS SEULEMENT LA SEULE marque testée et approuvée PARCE QU’UN PRODUIT il est entrain de rincer sa voiture de l’autre côté de l’autre côté c’est le calendrier qui s’en va TROIS EN UN UN NETTOIE DEUX PROTÈGE TROIS FAIT BRILLER elle se reflète dans son dans ses plaques vitro-céramiques et induction avec le tampon UNCLE BEN’S EXPRESS DES ÉPICES POUR TEUTEU VOTRESANTÉ PRATIQUEZ UNE ACTIVITÉ PHYSIQUE MANGEZ AU MOINS CINQ FRUITS ET LÉGUMES PAR JOUR AVEC ATTENTION les tomates elles sortent du mur du il pré précuit à la vapeur ET TOUT ÇA sa mère lui prend le paquet PRÊT EN DIX MINUTES TOUJOURS UN SUCCÈS elle me sourit elle a les cheveux NOUVELLE DOUCEUR elle se touche un p’tit peu les cheveux SAINE ET FRISÉE elle caresse son Dop nouveau ça tombe sur une noire ils sont tous métis TRÈS RICHE IL NOURRIT INTENSÉMENT TOUCHEZ et ils sont c’est une famille avec tous les che ils ont tous les cheveux bouclés SHAMPOOING DOP DE KARITÉ LA PREUVE C’EST une famille elle est allongée DOP POUR FAIRE DES ÉCONOMIES Y A QUE DES DES DEDEDEDEDEDEDEDE DÉJÀ CUISINÉ OU VIVRE CHEZ VOUS EN VOISIN ça suit pas le rythme de sa bouche JOUR APRÈS JOUR le couple se regarde VOUS POUVEZ REMPLACE c’est presque noir et blanc ACER CETTE VOITURE il l’a touche FACILE on ne la voit pas AU 30 NOVEMBRE 2008 DANS LES RÉSEAUX FORMÉS À PARTICIPER AU CONTRAT 4000 ! JUSQU’À TR… JUSQU’AU 23 NOVEMBRE 4300 4355 EUROS D’ÉCONOMIE FORD FEELS A DIFFÉRENCE donc voilà c’est une famille elle heu laisse passer l’air il y a un igloo dans sa chambre C’EST EMBÊTANT ET POURQUOI PAS UNE GRANDE BAIE VITRÉE SUR MESURE C’EST C’EST SI il y a marqué Lapeyre sur son c’est heu un indien maintenant QU’EST-CE QU’IL PROPOSE LE GRAND CHEF ? Le grand chef regarde le LAPEYRE LA MAISON NOTRE PLUS BEAU PROJET c’est dans un une tête de profil elle regarde ils sont tous très gris il y a son doigt de pied qui bouche dans son platre et elle boit du coc ils dansent avec son c’est une momie qui avec ses yeux qui bougent ils font plein de formes il y a plein de gens en ligne et en fait elle elle est entrain d’accoucher et elle chante et puis l’autre il danse il se relève avec son platre il tombe parterre tout le monde se lève DANCING il continue ah il se relève et… QU’EST-CE QU’ILS ONT CEUX-LÀ ? UNE BONNE MUTUELLE et elle regarde elle revient on voit les voit de dos et ils sont tous entrain de se déhancher 60 ANS D’EXPÉRIENCE PLUS D’UN MILLION D’ADHÉRENTS LA MUTUELLE GÉNÉRALE ÇA VA DÉJÀ MIEUUUUX… C’est noir P-U-B et ça se reforme en fait c’était des geu beu pliés TATATATATATATATATA c’est le globe Bombay Sydney Marseille Prague Toronto Monréal Claire Chazal 20h Mexa Bangkok Long-Kong heu mmm breg Monréa elle est tout en blanc elle a un col roulé MESDAMES MESSIEURS BONSOIR elle a des perles DANS L’ACTUALITÉ 25 octobre 2008 NOUVELLE FRAYEUR DANS L’EUROSTAR CE SOIR un mégot regarde l’Eurostar A BLOQUÉ LE TRAIN ET PROVOQUÉ UN RETARD DE PLUS DE QUATRE HEURES et il ouvre la poubelle BIEN TARD il y a une foule dans la gare gros plan sur… LES DÉPARTS EN VACANCES DE LA TOUSSAINT ET ÇA TOMBE À CE MOMENT LAAA UNE ZONE EST CLASSÉE ORAAANGE LE BEU LEU … La police avec son jaune fluo et regarde une voiture IL NE FAUT PAS L’OUBLIER LES OPÉRATIONS DE CONTROLE SE MULTIPLIENT VIENT EN VECTEUR CES DEUX ils sont en train de souffler dans un truc avec marqué CRS dessus A L’ÉTRANGER DERNIER JOUR DE CAMPAGNE POUR LES CANDIDATS c’est Barack Obama qui est filmé un p’tit peu avec caméra PARTI AU CHEVET DE SA GRAND’MÈRE À SA FEMME MICHELLE Cindy contre Michelle une blanche une noire bien différentes la blanche elle a vraiment des cheveux très blancs blonds platine en fait ÉPOOUUSES DES CANDIDATS RÉPUBLICAINS IMPORTE elles ont toutes les deux des micros ET PUIS UNE MESSE EN L’HOMMAGE DE Sœur Emmanuelle en photo et puis un homme qui est tout le monde prie avec les LA RELIGIEUSE AVAIT SOUHAITÉ UNE avec l’encensoir il passe devant il y a une grosse télé à l’extérieur tout le monde est là et regarde et y en a une elle se baisse avec ses cheveux… Ils sont entrain de prier elle est à genoux LE CHANGEMENT D’HEURE quelqu’un change sa montre et l’autre il ouvre son horloge et UNE HEURE DE SOMMEIL DE PLUS ! Point d’exclamation et de il fait tout le tour du cadran à l’intérieur d’une horloge on voit DEMAIN MATIN IL SERA DEUX HEURES SEULEMENT redrigomontredonc elle regarde son papier on entend sous ti titrage sourds et malentendants TUNNEL SOUS LA MANCHE ÉTAIT DÉJÀ PERTURBÉ après il y a plein d’écrans derrière elle des petits et des grands deux orange et deux orange en p’tits ET PRÈS DE QUATRE HEURES EN RAISON D’UN MÉGOT DE CIGARETTE MAL ÉTEINT AU MOINDRE INR CIDENT elle a du mal à parler LES RÉSULTATS LES PASSAGERS SONT Londres Ashford Calais Lille Bruxelles c’est la carte Royaume-uni Eurostar avec le on est dans la à heu à l’intérieur du train DES PASSAGERS elle est couchée comme un bagage heueu un heu elle se cache dans la voiture-restaurant tout le monde est au restaurant entrain de se de discuter TOUT D’UN COUP JE VOYAIS D’LA FUMÉE PARTOUT L’ODEUR elle sourit elle est assis par terre ÉVACUÉS DU WAGON SANS SAVOIR CE QUI S’Y PASSAIT c’est une jeune avec les UN MÉGOT MAL ÉTEINT c’est le logo heuint interditdefumer heu ttt clocher TOUTE HEUUNE PROCÉDURE à l’intérieur de la poubelle on voit rien LE TRAIN ÉTAIT ENCORE DANS LE TUNNEL SOUS LA MANCHE driver conducteur ET JUSTE EN SORTANT c’est une femme ON A VIRÉ DE BORD ON EST ARRIVÉS SUR UNE VOIE D’URGENCE APRÈS L’INCENDIE là j’vois pas ah oui c’est le tunnel c’est l’entrée du tunnel qui est tout rouge endommagé avec des ambulances C’EST UNE NOUVELLE PÉRIPÉTIE POUR LES CLIENTS DE L’EUROSTAR les gens sont en train de parl SANS GRAVITÉ CETTE FOIS quelqu’un ils sont en train de manger pause cigarette sur le quai à l’extérieur ON VA TOUS SE FAIRE REMBOURSER DONC C’EST MOINS GRAVE AHAHAH ! ON EST TOUS TRÈS CONTENTS D’AVOIR LA COMPENSATION LE RETOUR GRATOS POUR NOËL ils sont tous en train de parler entrain de ET EN BUSINESS S’IL VOUS PLAÎT HÉHÉ ! elle est à l’extérieur le heu on voit la fe leueu laa porte ouverte POUR SE RÉENGAGER quelqu’un est affalé avec son portable EST ARRIVÉE À PARIS AVEC QUATRE HEURES DE RETARD AAAH PARIS !! elle sort avec sa valise ils ont East Pack heu AU MILIEU DE LA NUIT RESTAIT À FAIRE LA QUEUE c’est la heu POUR TROUVER UN TAXI c’est la queue elle regarde elle me regarde UN INCIDENT QUI EST SURVENU AU TOUT DÉBUT DES VACANCES DE LA TOUSSAINT LA JOURNÉE A ÉTÉ CLASSÉE ORANGE POUR CE SAMEDI IL N’Y A PAS EU DE DIFFICULTÉS MAJEURES SUR LES ROUTES MAIS LA POLICE APPELLE À LA VIGILANCE CAR CETTE PÉRIODE DE L’ANNÉE EST TRADITIONNELLEMENT MEURTRIÈRE LES OPÉRATIONS DE CONTRÔLE ONT ÉTÉ MULTIPLIÉES COMME ICI DANS LES AUTOCARS ET LES POIDS-LOURDS SUR L’AUTOROUTE A13 Seine-Maritime Calvados Eure l’A13 en jaune votre reportage de Corinne [off]

Vers Agrippine

pièce musicale et performance, 2004

Pièce musicale et performance, 2004
Avec les voix de Hiromi Asaï et Véronique Gens.

Vers Agrippine prend pour point de départ l’opéra Agrippina de Haendel. Elle déploie un principe de « profondeur de temps », à travers une navigation physique dans la temporalité de la musique. Un geste extrêmement lent de la main dessine un parcours parallèle sur trois têtes de lecture : les trente premières secondes de l’ouverture de l’opéra, la première phrase parlée (récitatif) et la première phrase chantée. Ce parcours au ralenti dans la matière de l’orchestre et de la voix laisse apparaître une autre musique, qui se déploie à la fois dans un intérieur microscopique et comme dans l’approche aérienne d’un paysage.

Vidéo d’une performance, Kawenga, Montpellier, 2010 :

Commande musicale du Studio-Théâtre de Vitry et de Frédéric Fisbach en 2004. Photographie Frédéric Nauczyciel.

Les Paravents

création musicale pour la scène, 2003

Pièce de Jean Genet / mise en scène de Frédéric Fisbach, 2003
Création musicale, son, spatialisation, dispositif temps réel

Pièce monstrueuse prenant pour cadre l’Algérie coloniale avec ses quatre-vingt-seize personnages, la mise en jeu de plans successifs, la simultanéité de certaines scènes, le survol d’un territoire en guerre, Les Paravents ont été mis en scène en 2002 par Frédéric Fisbach avec trois acteurs, deux vociférateurs, un interprète musical et le théâtre de marionnettes japonais Youki-za.

« Les Paravents apparaît comme une proposition pour un théâtre total, une fête comme l’écrit Genet, où le texte, dit ou chanté, accompagne l’action poétique qui se déroule sur des scènes, des paravents et des écrans. Les Paravents sont porteurs d’un rêve ou d’une vision du théâtre – une comédie et aussi une fête grave, destinée aux vivants comme aux morts. Un poème pour la scène, et c’est bien cette dimension poétique qui ravive le politique – en ce sens qu’il offre aux regard, à l’esprit et au talent du spectateur, une vision du monde » (F. Fisbach). La partition musicale et sonore est interprétée en direct par Jean-Baptiste Droulers, intervenant à la fois sur la diffusion des voix et des espaces sonores, et l’interprétation de la pièce musicale.

Thierry-Fournier-Paravents-01

Thierry-Fournier-Paravents-02

Une approche musicale globale, de la voix au son et à la musique

Les Paravents sont construits à l’image d’une fugue, exposant et développant un entrelacs de situations, de plis et de motifs, jouant des temps et des espaces en les faisant se superposer, s’interrompre et parfois se contredire, sans jamais laisser s’installer un propos unique. Face à cette forme, l’exigence constante de Frédéric Fisbach en matière d’écoute, de prosodie et d’équilibre sonore des situations a suscité un travail d’élaboration sonore et musicale ne perdant jamais de vue sa relation au texte. De ce fait, la première singularité de notre approche a consisté à toujours travailler simultanément sur l’amplification et la spatialisation des voix des comédiens, sur le son de la pièce, et sur la composition d’une partition musicale. Ces trois domaines se croisent en permanence au cours du spectacle, ils sont joués en direct par Jean-Baptiste Droulers, qui joue à la fois le rôle d’interprète musical et de régisseur son. Cette notion de jeu et de direct est importante, le suivi des voix et le jeu des musiques se font en parallèle, en relation étroite avec les acteurs et la dynamique de leur jeu. Ce rôle s’apparente en quelque sorte au joueur de shamisen du bunraku – ici, un shamisen électronique.

Nous avons choisi d’amplifier et de spatialiser les voix pour plusieurs raisons. Frédéric Fisbach voulait éviter le plus possible la projection vocale typique du théâtre. L’amplification permet une grande proximité et une plus grande richesse d’intensités.
Mais elle permet également de différencier clairement des plans vocaux distincts, ce qui est le cas par exemple entre les acteurs et les vociférateurs – ou entre le monde des vivants et celui des morts. Ici intervient la spatialisation, qui va dans le sens de la dramaturgie : la pièce se déploie progressivement par un montage de situations alternées, dans lesquelles la différenciation des espaces vocaux prend tout son sens. Les images sonores se développent principalement autour de ce que l’on pourrait appeler « le monde extérieur » (les militaires, les colons, les combattants, les prostituées…), celui des situations et des conflits. Elles évoquent des espaces ou des sons de façon fragmentaire, interrompue – leur statut pourrait être comparé à celui des paravents: évoquer des situations, mais à distance et comme en modèle réduit.

La partition musicale, quant à elle, se déploie autour des deux autres mondes de la pièce que sont les Orties (Saïd, Leila et la Mère), et le monde des morts. Les Orties portent autour d’eux un univers de vibration électronique, une masse pulsatoire qui les accompagne et découpe l’espace autour d’eux, comme pour les isoler. Dans le monde des morts, plus de son, plus de bruits, seule une variation orchestrale de clarinettes, de frottements d’anches et de percussions (lames et gamelans), qui laisse percevoir la suspension du temps, et se déploie au cours des trois derniers tableaux.

Thierry Fournier
avril 2002

La Mue de l’ange

création scénique en réseau, 2000

Création scénique en réseau, 1999-2000
Isabelle Choinière (chorégraphie et scénographie) et Thierry Fournier (dispositifs et musique interactifs)

La performance La Mue de l’ange propose un travail sur les projections et transformations parcourues par le corps à travers le réseau. Deux danseuses évoluent et dialoguent à partir de deux sites distants. Chacune des deux interprètes génére par sa danse l’ensemble des images et des sons de son environnement propre, qui sont également transmis à son interlocutrice. La création musicale de la pièce associe deux partitions entendues simultanément, générées par les danseuses en temps réel, puis échangées via le réseau – chaque site donnant à entendre une hybridation spécifique de ces deux formes.

Thierry-Fournier-Mue-de-lange_01

Synopsis

Le spectacle se déroule simultanément sur deux sites, reliés en réseau par internet et visioconférence. Sur chacun des deux sites se trouvent à la fois une interprète et un public. En permanence, les deux interprètes génèrent et échangent en temps réel les sons et les images qui proviennent de leur gestuelle. On peut donc voir et entendre chaque interprète, dans l’espace de l’autre. Cet échange les place dans une situation d’interaction constante et immédiate : entre leur corps réels, leurs projections dans l’espace sonore et visuel, et les transferts qui se produisent entre les deux sites. Toute gestuelle a une incidence directe et immédiate sur l’espace et le son qui l’entoure, mais également vers l’espace et le son du site distant – et réciproquement. L’ensemble se comporte comme une matrice, à entrées multiples. L’apparition dans le champ d’un autre acteur distant introduit une perturbation permanente, qui instaure la relation entre les deux interprètes et leur public dans un état d’équilibre instable, parfois sauvage. Ce « double électronique commun » se construit ainsi dans un temps accéléré, bouclé et suspendu. Le temps immobile de l’image se déplie ainsi dans une autre perspective temporelle, où l’accélération produit la trace d’une entropie devenue visible et active.

Nous avons construit une écriture composée, où les corps et leurs espaces se répondent et se stimulent à un niveau à la fois formel et organique. Il ne s’agit pas d’une écriture composite, constituée de niveaux chorégraphiques / musicaux / visuels / lumineux, mais plutôt d’une « construction de synthèse », élaborée à partir des traces produites par le corps dans les situations de média que nous avons mises en oeuvre. Dans ce contexte, les domaines disciplinaires perdent de leurs contours. Le geste relève à la fois d’un mouvement dans l’espace, de l’organisation d’un flux lumineux, d’un geste instrumental, et de la composition d’une forme vidéo, transformée lue à distance. Nous parlons donc d’interprètes, au sens ouvert du terme. L’écriture se construit en parallèle, dans un ralenti permanent des situations de feedback produites par le dispositif.

La partition musicale et sonore est construite à partir d’éléments vibratoires et rythmiques, et des différentes manifestations du corps, de la voix et du souffle dans le mouvement. L’ensemble – oscillations, synthèse, traitement vocal – est à la fois généré et transformé par le geste, via un programme écrit spécifiquement pour le spectacle : la production sonore, ses timbres, ses intensités, sont dépendants de la gestuelle des interprètes dans l’espace, et de leur dialogue via le réseau. Les voix et le geste sont captés par un ensemble de micros placés sur le corps. Ces données sont échangées en temps réel entre les deux sites. Dans ce système, le geste contrôle à la fois la production des matériaux sonores, mais également le traitement et la spatialisation de la voix même de l’interprète. La visioconférence prend en charge pour sa part l’échange des traitements vidéo des images, ainsi que la diffusion en duplex du son et de la musique.

Ce système d’interrelations se déploie progressivement au cours du spectacle, commençant par un ensemble de traces vocales dans un espace indéterminé, pour se terminer par une section où le seul matériau instrumental est constitué par les feedbacks sonores produits entre les micros des interprètes et les hauts-parleurs qui les entourent – situation où le mouvement et la position dans l’espace constituent l’origine unique de la production sonore : la relation entre le corps et l’espace devient ici un instrument. A l’issue du spectacle, c’est le son du public lui-même qui est capté et mis en boucle entre les deux sites, rendant sensible l’espace sonore de la transmission.

La structure de la musique est parcourue singulièrement par les interprètes à chaque représentation. Ce qui est entendu par le public résulte de l’intersection entre cette « partition virtuelle » et de ce qu’en font les interprètes. Nous avons ici fait le choix de maintenir le risque lié au dispositif technologique là où il fait sens pour le spectacle : dans la liberté de jeu donnée aux interprètes. Le choix des micros correspond à cette volonté : extrêmement polyvalents, ils peuvent être utilisés, par l’interprète lui-même, dans une très large palette de situations adaptées au concept d’ensemble. L’élaboration du langage instrumental de la pièce se construit à partir du geste, et des différents détournements possibles du même outil : captation de la vitesse du mouvement, enregistrement des sons du corps, parole, chant, son du geste, résonance de l’espace, feed-back, percussion, etc.

Le mouvement est ainsi capté sous forme de données (lorsque le micro est utilisé en tant que capteur) et simultanément dans ses caractéristiques physiques et sensuelles – via le son transmis par le micro lui-même. Le danseur intervient de la voix, du souffle, il devient attentif au son qu’il produit lui-même, comme s’il jouait d’une « caméra sonore » retranscrivant le mouvement de son corps dans l’espace, et que ce mouvement devienne à son tour partie intégrante de la musique. Les micros sont également utilisés comme canaux de génération sonore, dans le cas des feedbacks produits par leur voisinage avec les hauts-parleurs. La position du corps dans l’espace a alors la double vocation de déclencher le feedback, et de contrôler en permanence sa qualité, son intensité et ses nuances. La gestuelle devient spécifiquement instrumentale, en résultant très finement du mouvement dans un espace chargé de tensions.

Isabelle Choinière et Thierry Fournier, Montréal, 2000

Core

Création musicale, 1999

Création musicale, 1999
Avec la voix d’Alyson Wishnousky

Core a été composée à partir d’une série de conversations enregistrées à Montréal avec Alyson Wishnousky (danseuse et performeuse) qui parle de la sensation qu’elle éprouve dans le mouvement. Une écriture s’est élaborée à partir de sa voix et d’un ensemble d’oscillations saturées, filtrées, autour d’une pure notion de mise en vibration et en déplacement, du passage de l’immobilité au mouvement. Core est jouée en concert sur ordinateur et sherman.

(…) it’s all about time and movement and space they all form the same patterns together at the same time so it makes the heart beat faster and the breath speed up and the body warm up and it generates heat like fire so thats where the movement and gestures relate (…) its all about air and breath and breath generates life and allows more space opens up more space in the body in the pores enters air and water and fire they mingle a continuous spiralling of the spine spiral waves waves continuous waves (…)

Extraits


Photographie : performance avec Emmanuel Berriet, ISEA / Divan du monde, 2000